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Décanter la danse autrement : repenser les modèles de production

  • Photo du rédacteur: Mickaël Spinnhirny
    Mickaël Spinnhirny
  • 6 sept.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 26 sept.

Avec À corps & vins, CAPAS et l’Agora de la danse s’allient pour produire plus qu’un nouveau spectacle : ensemble, ils souhaitent élargir les manières de diffuser la danse dans l’imaginaire culturel. Plongée dans les réflexions derrière cette rencontre entre notre label et un diffuseur.


À corps & vin Modèles CAPAS

Décentraliser la danse : l’inspiration des CDCN

Cette idée d’allier différentes missions n’est pas sans rappeler les Centres de développement chorégraphique nationaux (CDCN) en France. Ceux-ci – en plus de donner un poids réel à des institutions situées hors des grands centres – assument des missions étendues : accompagner la création, soutenir la recherche, organiser la diffusion et assurer la médiation. Ils ne se limitent pas à programmer ou à créer : ils produisent, diffusent et créent des conditions de transmission d’un même souffle. Ce modèle montre qu’un joueur en danse peut accumuler les chapeaux tout en restant ancré dans sa communauté et en étant complémentaire aux besoins des autres acteurs du secteur. Résultat : les œuvres se créent et circulent tout en consolidant un tissu chorégraphique diversifié et ancré dans les territoires, en réfléchissant leur lien avec les acteurs locaux et nationaux.


C’est dans cette logique que l’alliance entre CAPAS et l’Agora de la danse voit le jour. Ici, au lieu d’ériger une nouvelle structure, deux acteurs décident d’unir des missions complémentaires et d’assumer ensemble la prise de risque autour d’un projet précis. Ce choix s’inscrit dans une démarche qui explore le rapport entre création, diffusion et démocratisation. En France, ce modèle mobilise des lieux et des centaines de partenaires; au Québec, il s’expérimente d’abord à travers deux organisations qui cherchent à réfléchir la danse de son idéation à sa circulation, en passant par la rencontre singulière avec les publics.


Le corps du vin : démocratiser par l’hybridation

C’est dans ce contexte qu’est né À corps & vins, inspiré de l’expérience européenne Cépages dansants de La Grive. La proposition sera adaptée et recréée pour le Québec, associant toujours danse et dégustation de vin dans une forme accessible, modulable et clairement définie : un format clé en main, pensé pour faciliter sa programmation et susciter l’intérêt au-delà du public habituel de la danse. Quatre interprètes, cinq verres de vin : le projet peut autant être présenté en saison régulière qu’en activité extérieure, en soirée bénéfice qu’en accès privilège. En déployant le potentiel chorégraphique du vin, le  spectacle joue sur les affinités sensibles entre vin et mouvement – la fluidité, la virtuosité, l’importance du corps – pour ouvrir un nouvel espace de rencontre avec la danse. À corps & vins propose de découvrir la danse à travers un nouveau prisme en l’alliant à un breuvage qui – considéré comme élégant – réussit à rejoindre le grand public. L’expérience espère ainsi amener les publics à reconsidérer leur a priori envers la danse pour considérer son élégance non pas comme un frein, mais comme une poésie aussi sensible que celle d’un bon chablis.



Cette collaboration entre un producteur de danse et un diffuseur demeure exceptionnelle dans le paysage culturel québécois. Elle permet à CAPAS de s’appuyer sur un partenaire solide pour soutenir le rayonnement de l’œuvre au-delà de sa création immédiate, tout en offrant à l’Agora l’occasion d’élargir sa mission hors de son espace physique montréalais, en amenant la danse contemporaine à rencontrer de nouveaux publics. Ensemble, ils donnent naissance à une forme interactive qui répond aux attentes actuelles des spectateur·rices : vivre des expériences culturelles de haute qualité, capables de rivaliser avec l’offre des plateformes en ligne, mais en proposant l’inédit et l’irréductible de la rencontre en personne — une expérience qui ne peut se vivre qu’en dehors de chez soi. CAPAS et l’Agora avancent ainsi main dans la main, pour le meilleur et pour le pire : autant le caractère novateur partage la réussite en deux si elle advient, autant le risque de cette forme inédite est divisé en deux, permettant d’éponger plus facilement les déficits et les erreurs au besoin. Cette confiance croisée devient névralgique afin de solidifier l’avenir de la discipline : valoriser la mission et le travail de chacun, à chaque étape de la chaîne, en ouvrant le dialogue dès l’idéation pour s’assurer que le projet s’inscrit adéquatement dans son écosystème.


Et l’effet réseau de ce type de projet ne se limite pas aux artistes et aux institutions spécialisées. Il implique aussi les diffuseurs pluridisciplinaires, les lieux culturels hors des grands centres et des partenaires qui gravitent dans des écosystèmes tissés serrés, où la culture valorise autant le spectacle que la gastronomie, et où la salle de spectacle est l’alliée naturelle du bar à vin à proximité. Cet esprit de solidarité culturelle se transpose ici sur scène, offrant notamment l’occasion à un diffuseur de valoriser ses collaborateur·rices en marge de la représentation (bar éphémère tenu par un restaurateur local, musique live par un groupe de la région, mise en valeur de vins locaux après la représentation, etc.). Cette transversalité augmente la portée des projets, multiplie les points de contact avec de nouveaux publics et consolide les liens entre produits culturels, tout en encourageant une alliance plus large : d’un projet producteur/diffuseur peut naître des rapprochements entre partenaires régionaux.


Avancer ensemble, coûte que coûte

Il est possible de partager le risque, de mutualiser les ressources et de croiser les expertises pour générer des formes qui aspirent à réinventer nos manières de produire et de faire circuler la danse. Le modèle mis de l’avant par l’alliance CAPAS x Agora est une tentative de pousser plus loin des idées déjà éprouvées ailleurs, d’additionner les missions pour solidifier le chemin d’un spectacle, de faire reposer la réussite ou l’échec d’un projet sur plus qu’une seule paire d’épaules, de décupler les forces de notre secteur en ayant foi en l’autre. À corps & vins imagine des collaborations qui s’adaptent au contexte québécois, qui réfléchit la démocratisation de la danse sous un angle nouveau : en tissant des liens encore plus serrés avec les différentes facettes de la culture québécoise, tel qu’apprécier un bon vin tout en profitant d’un bon spectacle. Parce que l’avenir est fait de ces maillages nouveaux, des ces formes hybrides autant sur que derrière la scène, qui répondent aux enjeux tout aussi hybrides de notre monde.

 
 
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