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C2 Montréal 2025 : la culture a une longueur d’avance

  • Photo du rédacteur: Mickaël Spinnhirny
    Mickaël Spinnhirny
  • 22 mai
  • 4 min de lecture

La conférence C2 Montréal 2025 a, une fois de plus, démontré sa capacité à réunir des visionnaires d’une multitude de secteurs : la technologie, le design, le marketing ou encore l’urbanisme. Si ces industries créatives y étaient bien représentées, un constat s’est imposé au fil des conférences : les intuitions du secteur culturel trouvent aujourd’hui un écho saisissant dans les grandes tendances de l’innovation contemporaine. Ce que la culture pratique depuis longtemps – souvent avec peu de moyens mais une abondance d’idées – est désormais présenté comme un modèle inspirant pour toutes les industries.


C2 CAPAS

Vers des expériences significatives

L’une des idées les plus récurrentes à C2 : il est temps de réinventer l’expérience. Finis les événements conçus comme des feux d’artifice destinés à impressionner ; l’heure est aux expériences pensées comme des feux de camp – chaleureuses, intimes, durables. Une transition vers des formats qui misent sur la sincérité des échanges, la vulnérabilité, et les connexions humaines profondes. Le secteur culturel, qui privilégie depuis toujours l’émotion authentique au spectaculaire, n’a pas attendu ce virage. Cette posture, autrefois perçue comme artisanale ou marginale, est désormais érigée en stratégie d’avenir.


Créer dans l’économie de l’attention

La qualité et la créativité sont désormais les monnaies les plus précieuses dans un monde saturé de contenus. À C2, plusieurs conférences ont souligné que pour capter l’attention, il ne suffit plus d’être visible – il faut être mémorable, pertinent, singulier. Cela implique une excellence dans la narration, une esthétique soignée et une audace assumée. Là encore, le secteur culturel se distingue : il sait raconter, émouvoir, surprendre avec une rigueur artistique constante. Cette économie de l’attention, devenue centrale pour les marques, est depuis longtemps l’écosystème naturel des arts vivants, du cinéma d’auteur, de la littérature ou de la création numérique.


L’inconfort comme moteur d’innovation

Les intervenant·es de C2 ont rappelé que l’innovation naît rarement du confort. C’est dans les zones d’incertitude, de frottement, d’instabilité, que se développent les idées nouvelles. La diversité des points de vue, les collaborations atypiques, les remises en question sont les ressorts d’une créativité plus riche. Une réalité que les artistes et les structures culturelles connaissent bien : évoluer dans un monde de contraintes – artistiques ou économiques – les pousse à faire preuve d’inventivité permanente. 


L’empathie comme compétence stratégique

L’une des conférences marquantes de cette édition a mis l’accent sur l’empathie comme levier fondamental de leadership et de collaboration durable. Loin d’être une qualité secondaire, elle s’impose comme une compétence stratégique, fondée sur l’écoute active, la compréhension des contextes humains et la capacité d’adaptation. Dans les milieux culturels, l’empathie n’est pas un concept théorique ou forcé : c’est une pratique quotidienne, une manière de créer du lien et du sens. Elle structure les relations artistiques, irrigue les processus de création, fonde les approches de médiation et de participation citoyenne. Ce que d’autres secteurs découvrent avec enthousiasme, la culture l’a intégré depuis toujours.


Faire mieux avec moins : une posture exemplaire

Plusieurs leaders d’autres secteurs ont évoqué avec humilité leur prudence face aux promesses de l’IA ou des innovations technologiques, insistant sur l’importance de rester humain·es, accessibles, ancré·es dans des valeurs fortes. Dans ce contexte, la frugalité du secteur culturel devient un modèle. Ne pas pouvoir tout faire, c’est être contraint d’aller à l’essentiel. Cette tension permanente entre ambition artistique et limites matérielles nourrit une créativité plus radicale, plus responsable, plus attentive aux publics. Ce que certains qualifient de résilience est en réalité une philosophie de création ancrée dans le réel.


Des passerelles à bâtir

Enfin, C2 Montréal a démontré que les frontières entre secteurs ne sont plus des barrières, mais des tremplins. Partout, les ponts entre disciplines, savoirs et pratiques se multiplient : design et science, art et technologie, culture et urbanisme. Le secteur culturel, longtemps cantonné à une logique de silo, est aujourd’hui en capacité de dialoguer avec les autres sphères, non pas en se diluant, mais en proposant ses méthodologies propres : recherche-création, processus collectifs, valorisation du sensible, temps long. Ces passerelles ne sont pas accessoires : elles sont les fondations d’un monde où la création n’est plus un luxe mais une ressource indispensable. Si la culture a ici été source d’inspiration, la culture peut également à son tour se laisser inspirer. Le secteur a notamment tout à gagner à approfondir la manière qu’ont les secteurs créatifs à dialoguer avec le monde des affaires et de l’économie, afin d’équilibrer viabilité financière et liberté artistique. C2 a démontré que le monde professionnel doit échanger des idées et augmenter la porosité entre ses secteurs pour apprendre, grandir et avancer d’un même pas plus solide vers l’avenir. 


La culture : un laboratoire pour demain

Ce que révèle C2 Montréal 2025, en filigrane, c’est que le secteur culturel est en avance sur plusieurs fronts : conception d’expériences, valorisation de l’empathie, capacité à faire mieux avec moins, hybridation des disciplines, narration immersive, écoute du public, attention à l’impact humain. Ces forces, parfois invisibles ou peu reconnues, doivent désormais être nommées, valorisées, partagées. Non pas pour se glorifier, mais pour contribuer activement aux transformations sociétales à venir. Si ses moyens sont encore trop limités, ces contraintes peuvent être une source de création… ou un incitatif pour aller voir à son tour ce que font les autres pour être rentable. La culture n’est pas seulement pertinente : elle est exemplaire. Et dans un monde en quête de sens, elle a encore bien des leçons à offrir.


Le milieu culturel incarne une force plus intangible, mais essentielle : sa capacité à résister à la morosité ambiante. L’artiste, dans son rôle social, n’est pas qu’un créateur d’objets ou d’expériences ; il agit, à sa manière, contre l’indifférence et le cynisme. Face à la brutalité du monde, l’art propose d’autres formes de secousses. Des secousses sensibles, poétiques, politiques parfois, qui nous font tituber à plusieurs plutôt que tomber seul. À l’image de figures comme Grand Corps Malade, dont l’engagement touche et rassemble, l’art peut devenir un geste collectif qui réanime l’espoir, qui rallume le désir de comprendre, de bouger, d’agir. L’artiste peut aussi se positionner sur les grands enjeux de société — environnement, inclusion, justice, démocratie — et parfois, émouvoir, mobiliser et faire réfléchir davantage que les médias ou les gouvernements. Dans un contexte de mutations accélérées, ce rôle réparateur et mobilisateur est loin d’être accessoire : il est fondamental.

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