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Un « J’aime » ne remplit pas une salle

  • Photo du rédacteur: Mickaël Spinnhirny
    Mickaël Spinnhirny
  • 14 mai
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 mai

Il suffit d’arpenter les couloirs du milieu culturel pour entendre flotter cette maxime, parfois teintée d’un certain désespoir : « Le spectacle ne vend pas ? Faites un post Facebook, ça va se régler ! » Divulgâcheur : dans le tumulte numérique d’aujourd’hui, un post est souvent une goutte d’eau dans un océan saturé d’images et d’appels à l’attention.


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Lorsqu’un·e spectateur·trice potentiel·le voit passer une publication, celle-ci n’agit pas comme une clameur assourdissante qui déclenche un choix, mais comme l’écho discret d’une impression déjà laissée ailleurs. Sans cet « ailleurs » — une émotion vécue, une information entendue, une conversation touchante —, une publication reste un bruit de fond insuffisant pour faire vibrer une salle. Remplir un lieu de spectacle ne peut reposer uniquement sur l’espoir d’une viralité miraculeuse. Il s’agit de revenir aux fondations : travailler avec intelligence, lucidité et humanité.


Infolettres : le trésor sous-estimé

Trop souvent reléguée au second plan, l’infolettre est pourtant un as trop souvent laissé dans notre manche dans les stratégies de communication culturelle. Elle ne s’impose pas dans l’espace public numérique avec la brutalité d’une publicité criarde; elle chuchote directement à l’oreille du public, dans son espace intime. Parce qu’elle est choisie par le public qui s’y inscrit volontairement, l’infolettre propose un rendez-vous respectueux, une invitation discrète mais profonde. Dans un monde où chacun·e rivalise de volume pour exister, cultiver un mode de communication doux devient un acte différenciant. Une infolettre bien pensée éclaire sans éblouir, fidélise sans assiéger. Investir dans cet outil, c’est miser sur une relation durable et sincère avec les gens réellement intéressés par nos projets, c’est échapper aux caprices des algorithmes et traverser les modes éphémères. C’est, en somme, réaffirmer que la confiance et l’engagement se bâtissent dans la continuité, pas dans l’éphémère.


Un·e spectateur·trice à la fois

La construction d’un public fidèle ne se fait pas par vagues massives, mais bien une personne à la fois. Lorsqu’un spectacle aborde le Maroc, par exemple, la pertinence n’est pas de lancer une campagne publicitaire généraliste, mais plutôt d’entrer en contact avec l’ambassade, de solliciter les associations culturelles, d’impliquer les communautés locales. Ce sont les liens réels, ceux qui touchent directement, qui font toute la différence. Mieux vaut cinquante sièges remplis de spectateur·trices réellement engagé·es qu’un millier de clics anonymes et volatils. La communication culturelle efficace repose sur la qualité de la connexion, pas sur la quantité des impressions numériques. Construire une salle pleine d’êtres vibrants demande du temps, de l’attention et une approche humaine.


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Prendre son téléphone (oui, vraiment)

À l’ère de la messagerie instantanée et des notifications furtives, téléphoner pourrait sembler désuet. Pourtant, cet acte simple reste d’une puissance inégalée. Un appel permet d’entendre les intonations, de capter les émotions, d’ajuster son discours en temps réel selon la réaction de l’interlocuteur·trice. Un échange téléphonique ouvre des portes qu’aucune publicité numérique ne peut égaler. C’est un geste exigeant, certes, mais infiniment plus authentique. Dans le domaine culturel où la sincérité est le socle des relations durables, privilégier la conversation directe est loin d’être une perte de temps. C’est un investissement émotionnel qui, à terme, rapporte des liens solides et durables.


Être social ailleurs

Le véritable réseau social ne s’est jamais trouvé sur une plateforme numérique. Il s’incarne autour d’une table de café, lors d’un événement communautaire, dans un regard échangé entre deux conversations. Dans une époque marquée par la superficialité des interactions en ligne, la rencontre physique devient un trésor d’autant plus précieux. La poignée de main, la conversation improvisée, la complicité partagée dans un lieu de vie culturel : voilà des gestes simples, mais puissants. En renouant avec ces formes ancestrales du lien social, le secteur culturel ravive ce qui fait sa spécificité : la capacité à créer des expériences humaines, concrètes et mémorables. 


Redescendons de notre nuage numérique

Lorsque des millions de vues sur YouTube n’engendrent qu’une poignée de clics concrets, il devient urgent de s’interroger : que cherchons-nous vraiment en communication ? Si le but est uniquement d’accumuler des chiffres vides de sens, alors continuons à poursuivre cette course stérile. Mais si la mission est de relier des êtres humains à des œuvres vivantes, il faut repenser nos priorités. Communiquer ne devrait pas être une opération de remplissage, mais un geste de transmission authentique. Chaque action, chaque mot doit viser à nourrir un lien profond, à éveiller une émotion, à préparer une rencontre. Dans cette perspective, l’impact réel compte bien plus que la portée virtuelle. La pression mise par la reddition de compte pour présenter des chiffres pharaoniques en termes de portée, d’impression et de rayonnement engendre trop souvent cette course à la virtualité, sans tenir compte du taux de conversion minime qu’elle occasionne. Sensibilisons – autour d’un café, justement – nos partenaires à l’importance d’un dialogue véritable qui amène une meilleure pérennité des publics.


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La clé : la cohérence

La cohérence est la pierre angulaire d’une communication culturelle efficace. Aucun geste n’est anodin. Une publication sur les réseaux sociaux prépare le terrain pour une invitation formelle. Une infolettre doit rappeler une conversation passée. Un appel vient conforter une annonce entendue. Une rencontre en personne grave l’expérience dans la mémoire émotionnelle. Chaque action trouve sa place dans une partition collective. Ce n’est pas un exploit isolé qui remplit une salle, mais l’orchestre secret de gestes alignés, sincères et répétés. Dans cet écosystème, chaque détail compte. Chaque point de contact devient une opportunité d’ancrer l’œuvre dans l’imaginaire du public.


Vers un avenir plus humain

Aujourd’hui, repenser la communication culturelle est une nécessité. Non pour suivre la dernière tendance ou séduire les algorithmes, mais pour réaffirmer une vocation essentielle : celle de relier les êtres humains à long terme à travers l’émotion, la rencontre et le partage. Plutôt que de chercher à devenir « viral », il est temps de redevenir « vital ». De préférer la profondeur à la vitesse. De cultiver des liens sincères plutôt que des succès éphémères. Un simple « J’aime » ne remplit pas une salle. Mais un cœur touché, lui, peut ouvrir toutes les portes.



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