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Éducation et culture : miser sur les deux, c’est investir dans l’avenir du Québec

  • Photo du rédacteur: Mickaël Spinnhirny
    Mickaël Spinnhirny
  • 3 juil.
  • 5 min de lecture

Il y a dans les choix budgétaires une dynamique qui dépasse souvent les intentions initiales : on ajuste, on rééquilibre, on compense. Et parfois, malgré les meilleures volontés, ce sont des pans entiers de notre société qui se retrouvent fragilisés. C’est le cas actuellement du réseau de l’éducation québécois, confronté à une situation particulièrement exigeante. Le dernier budget prévoit une hausse de 2,2 % des dépenses, alors que les besoins réels s’approcheraient plutôt du double pour maintenir les services existants. Résultat : les centres de services scolaires doivent réviser leurs priorités, parfois drastiquement, avec des impacts qui se feront sentir bien au-delà des murs des écoles. Éducation et culture ne sont pas deux silos étanches. Ce sont les deux faces d’une même pièce, deux moteurs synchrones d’un projet de société ambitieux. Investir dans nos musées, soutenir nos artistes, restaurer notre patrimoine : tout cela n’aura d’effet que si l’on cultive aussi, en amont, le goût, la curiosité, le sens critique. Ce sont les élèves d’aujourd’hui qui deviendront le public de demain. Et inversement, une culture foisonnante, visible, accessible, crée un environnement propice à l’apprentissage, à l’éveil, à l’émancipation. C’est ce lien organique, presque symbiotique, qu’il faut préserver, voire renforcer. Et cette vision intégrée, d’autres l’ont déjà adoptée avec brio. Regardons vers les pays nordiques, vers la France, vers ces sociétés qui ont fait le pari d’arrimer solidement éducation et culture. Leurs résultats sont inspirants, leurs stratégies éclairantes. Peut-être y a-t-il là des pistes à explorer pour construire ici aussi un cercle vertueux, durable et porteur d’avenir.


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Regard vers les pays nordiques et la France : des modèles inspirants

Cette synergie entre éducation et culture, d’autres sociétés l’ont compris depuis longtemps. Les pays nordiques en sont un exemple frappant. Ces nations figurent parmi celles qui investissent le plus dans l’éducation et la culture, convaincues que ce sont les piliers du bien-être collectif. Le Danemark consacre ainsi environ 7 % de son PIB à l’éducation (contre une moyenne de 4,9 % dans l’Union européenne), la Suède 6,5 %, et l’Islande atteint même 7,5 %. Parallèlement, la Suède consacre 2,6 % des dépenses totales de son gouvernement à la culture, un des taux les plus élevés au monde. Concrètement, cela se traduit par des financements massifs des bibliothèques, musées, orchestres et autres institutions culturelles dans ces pays. Résultat : ces sociétés affichent un niveau d’éducation et d’engagement culturel exceptionnel. Quelques chiffres parlent d’eux-mêmes : 93 % des Norvégiens lisent au moins un livre par an (16 livres en moyenne chacun) et 80 % des parents norvégiens lisent régulièrement des histoires à leurs enfants. L’Islande compte un nombre d’écrivains par habitant inégalé, au point qu’on dit que « la moitié de la population écrit pour que l’autre moitié lise ». Ces pays caracolent en tête des classements sur les habitudes de lecture et la littératie. Ce n’est pas un hasard si, dans la dernière évaluation PISA avant la pandémie, les jeunes Finlandais occupaient le premier rang mondial en lecture. La Finlande, justement, est un cas symbolique : elle a un Ministère de l’Éducation et de la Culture, les deux domaines sont gérés ensemble au plus haut niveau de l’État, reflet d’une vision intégrée. Ce ministère finlandais absorbe environ 13 % du budget national à lui seul. On y trouve des programmes novateurs comme « Écoles créatives », qui finance la collaboration entre artistes et enseignants pour garantir l’accès de tous les enfants à la culture et à la créativité dès l’école. Le message est clair : former l’esprit et nourrir l’âme sont deux missions indissociables.


Du côté de la France, le modèle diffère mais l’ambition reste de soutenir ces deux piliers. L’État français investit lourdement dans l’éducation, environ 5,5 % du PIB y était consacré en 2015, au-dessus de la moyenne européenne, tout en maintenant un financement public constant de la culture. La France est réputée pour son Ministère de la Culture, doté d’un budget avoisinant les 4,6 milliards d’euros en 2025. Cela se traduit par un réseau dense de musées nationaux, de bibliothèques, de théâtres publics, de conservatoires de musique, etc., accessibles à tarif modique voire gratuitement pour les jeunes. Paris a également déployé un Pass Culture offrant aux adolescents un crédit de plusieurs centaines d’euros pour découvrir concerts, livres, cinémas et expositions. Là encore, l’idée maîtresse est de former les jeunes publics dès l’adolescence en leur facilitant l’accès aux arts. Si la France fait ce choix, c’est qu’elle sait que la vitalité culturelle du pays dépend du renouvellement de son public. Un peuple éduqué, c’est un public curieux et exigeant pour la culture ; un secteur culturel dynamique, c’est un atout pédagogique et économique pour la nation. Notons qu’aucun de ces pays n’est sans défis budgétaires. La Finlande et d’autres ont connu récemment des gouvernements tentés de réduire les dépenses. Mais la différence tient dans les priorités : même en temps d’austérité, on y ménage autant que possible l’école et la vie culturelle. Lorsque la Norvège a profité de sa manne pétrolière, elle en a investi une partie pour construire un opéra ultra-moderne à Oslo (500 M€) et financer durablement son orchestre philharmonique. Cette stratégie porte ses fruits : les pays scandinaves occupent régulièrement les premiers rangs mondiaux en matière de développement humain, d’innovation et de qualité de vie. Ce n’est pas en dévaluant l’éducation ou la culture qu’ils ont atteint ces sommets, bien au contraire.


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Un choix de société porteur d’espoir

Ce survol des modèles nordiques et français montre qu’investir à la fois dans l’éducation et dans la culture est un pari gagnant pour une société. Les retombées positives sont multiples : population plus instruite et adaptable, cohésion sociale renforcée autour d’une identité culturelle vivante, rayonnement international accru, sans oublier les impacts économiques (industries créatives florissantes, tourisme culturel, main-d’œuvre qualifiée). À l’inverse, opposer éducation et culture est un jeu dangereux. C’est risquer un appauvrissement général : appauvrissement du savoir, de la créativité et, en définitive, du tissu social. Le Québec est fier de sa culture et de sa langue ; il a raison de les célébrer et de les soutenir financièrement. Mais il devrait se souvenir que cette culture est le fruit de l’éducation. Chaque grand auteur, chaque scientifique, chaque artiste que la province a produits est passé par ses écoles. Couper les vivres à l’école aujourd’hui, c’est tarir la culture de demain. À l’inverse, en arrimant solidement les budgets de la culture et de l’éducation, on crée un effet multiplicateur : une jeunesse bien formée, éveillée aux arts, deviendra un public nombreux et avisé pour les créateurs, qui à leur tour inspireront les générations suivantes. C’est un cercle vertueux qu’il faut mettre en place. Comme le rappelle la devise populaire, « si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ». De même, une culture négligée coûte cher en identité perdue et en talents gâchés. En fin de compte, éducation et culture ne sont pas des dépenses, ce sont des investissements. Investir un dollar dans une classe ou dans un théâtre aujourd’hui rapporte bien plus demain en développement humain, en innovation, en richesse collective. Le Québec a tout à gagner à suivre la voie de ces sociétés qui ont misé sur le savoir et la culture comme moteurs de progrès. Plutôt que de dresser l’un contre l’autre, arrimons fermement ces deux budgets : éduquons en cultivant, et cultivons en éduquant. C’est ainsi que nous bâtirons le public de demain et, plus largement, l’avenir du Québec.

 
 
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